Chuchotement du silence Écrits et œuvres


 
















Chuchotement du silence

Écrits et œuvres











Des balades lyriques sans bruit


Dans le domaine de la poésie se configurent essentiellement deux pôles nettement distincts. Chacun d’eux se rapporte à un acteur particulier. En premier lieu, il s’agit du lecteur, en second lieu, le producteur, le poète. Ainsi, selon le cas, l’esprit adopte une stratégie d’approche appropriée.

Le lecteur fait face à certaines complexités qu’il doit nécessairement élucider. Or, il n’est pas si aisé d’approcher ou de saisir la totalité des sensations d’un contenu poétique. La poésie lyrique appelle à l’appréciation des valeurs des mots, esthétique, résonance, entre autres composantes. L’écoute des sous-entendus, le décryptage des implicites ou de ce qui se murmure entre les lignes, et bien d’autres considérations, s’imposent ordinairement.

La tâche est encore plus complexe lorsque l’on est en situation de producteur, de créateur. Poétiser est l’art d’embellir, de dire.

L’art de bien dire, du façonnage de l’expression poétique, surgit naturellement au fil de la lecture, au fil des voyages ingénieux que proposent les poèmes de ce recueil.

La plume de Loubaba Laalej pianote de temps à autre des états d’âme colorés selon des humeurs et les circonstances, emmaillées de l'insondable profondeur du silence. Lequel silence est une matière chère à l’auteure! Une source fortifiant ce trésor de paix «Chuchotement du silence ».

Des lignes façonnées de parfum du silence. Des lignes chuchotées, bercées tendrement par des eaux douces des lumineuses sources ou des rivières intarissables. Des balades lyriques sans bruit, qui inspirent l’esprit pour découvrir d’autres mondes, d’autres voyages.

Des voyages au cours desquels se révèle une âme, un être de cœur, une artiste rêveuse et méditative dont l’esprit interpelle environnement et existence. La plume de l’auteure n’est pas seulement outil de méditation ou de questionnements. Courageuse, elle exhibe des larmes mais aussi de forts instants de joie ou de splendeur, se servant dans l’imaginaire des plus beaux trésors de l’univers, eau, source, forêt, arbre, ciel, étoiles…

Le scripteur gouache des poèmes, tableaux peuplés des mots et d’images, des sentiments, des émotions, de bonheurs parfaits ou inachevés, du mal être, de l’inaccessible ou de l’irréalisable, enfin de la solitude, de la vie et de la mort.

L’auteure exalte et démultiplie intelligemment le silence. Le silence ici est multiple. « Silence de la plénitude », « Silence qui fait naître », « Silence [qui] voile ses obscurités », « Silence de l’autiste » ou encore « Silence du sourd ». Elle fructifie ainsi par là, la matière et offre une richesse nouvelle permettant d’identifier la spécificité de chaque genre de silence. Une fantastique esquisse typologique. De quoi nourrir toutes pensées qui aspirent aux belles douceurs des poèmes, en l’occurrence la substance du silence. Un calmant revitalisateur d’âme et d’esprit.

Une douce œuvre à découvrir, à lire paisiblement, dans un silence religieux, je vous la recommande de tout mon cœur silencieusement!

  Dr. Aziz Stouli

Écrivain et professeur chercheur

La polyphonie du silence


Partant du fait que toute œuvre littéraire n’est que le produit de son époque et que le personnage n’exprime que sa sensibilité, ses émotions, son idéologie et ses idées que le lecteur est appelé à dégager et en saisir le sens, la nouvelle publication de l’écrivaine marocaine d’expression française Loubaba Laalej «Chuchotement du silence » débouche sur la question de la polyphonie du silence à travers son œuvre poétique.

En effet, l’auteure marocaine d’expression française écoute l’univers psychique du Moi et tend à traduire par un style neuf ses expériences intérieures et extérieures. Cependant, les premiers textes intitulés : « Murmures »,«Résonance», «Sans mots», «Le Silence du plein» sont des textes significatifs et troublants à la fois, ils ne sont ni purement autobiographiques ni purement poétiques mais se placent à cheval entre les deux registres. De ce fait, l’écrivaine a voulu nous introduire dans une rhétorique de l'indicible. Loubaba Laalej fait de l’écriture du silence l'objet même de ses projets littéraires, en voulant explorer l'expérience de l'indicible à travers le silence, le monde d’au-delà du langage, le pouvoir du vide et de l'absent. Indéniablement, il y a un courage créateur dans le choix de se taire, une prise de conscience salutaire, digne. Le silence peut s’entrevoir par différents biais, comme une dialectique entre la parole et le vide, qui met en cause le rapport auteur et lecteur, mais aussi comme un acte énonciatif où le silence est pris en charge par le récit. Or, le silence est aussi et surtout en lien avec la rhétorique du sublime. Le silence chez la poétesse marocaine porte à la méditation. Il faut l’écouter pour en saisir toutes les gammes et les subtilités. 

Dans ce sens, pour Charles-Augustin Sainte-Beuve, l’origine et l’explication d’une œuvre se trouve tout simplement dans la vie de la personne qui l’a produite. C’est ici donc qu’il faut souligner la distinction entre Loubaba Laalej l’écrivaine, la poétesse et l’artiste. S’il est vrai que nos déductions se confirment de cette manière, elles posent avec d’autant plus d’acuité un problème dont la solution n’est pas évidente. Chez la poétesse, la recherche et l’expression du Moi se font sans doute dès le départ d’une façon plus poétique. Pour elle, l’écriture est une prise de conscience de cet immense univers dans lequel elle immortalise ses merveilleux poèmes et tableaux. 

Force est de rappeler que le silence est une technique de la rhétorique connue depuis l'Antiquité et théorisée par Aristote et Cicéron. Dans ce même ordre d’idées, le silence, chez Loubaba Laalej, c’est aussi un prolongement de la parole, une source d’inspiration et un moment d’écoute. Le silence, ce n’est donc pas le contraire du langage mais un langage intérieur, solitaire ou personnel. Par la quiétude contemplatrice qu’il génère, le silence peut alors provoquer l’union d’individus, le partage de sensations. D'un point de vue discursif, le silence se lit dans l'écriture. Le silence est donc un espace ouvert dans lequel s'inscrit un acte énonciatif. Le silence, à travers « Chuchotement du silence », entretient un rapport étroit avec l’extériorité. Pour considérer le silence, il faut déjouer les paradoxes initiaux : les mots prennent appui sur le silence pour donner à penser. Le silence accorde une place privilégiée aux récepteurs du recueil par les lecteurs.

La possibilité d’évasion, de vagabondage de la pensée, est laissée ouverte. La question de l'écrivaine n'est plus comment dire, mais comment taire. Le lecteur est censé combler ''les vides'' du texte et prolonger la pensée que la poétesse a initiée. Le lecteur obtient une marge de manœuvre assez large qui lui permet de dialoguer avec l'auteure. Cependant, cette liberté interprétative est aussi la porte ouverte à l'ambivalence et à l'incompréhension qui en découle. L'implicite, le sous-entendu et l'insinuation sont autant de formes possibles pour conceptualiser le silence chez Loubaba Laalej.

Le silence est un discours, un langage, un art de parler. Entre les silences suggestifs qui disent l’indicible et les silences de réflexion qui rendent compte de la difficulté de la verbalisation, s’étend une partition de sons dont la polysémie n’est plus à prouver. Il ne faut plus se placer du point de vue du langage mais de l’écoute. La rhétorique du silence se prolonge ainsi par une poétique. Il s’agit d’un « Silence qui fait naître » et lie la littérature à la musique et à la peinture, il joue un rôle fondamental dans la création artistique, élément commun aux peintres, aux mystiques, aux poètes… Loubaba Laalej souligne que « Le silence voile ses obscurités » et favorise le contact avec la nature, inspire l’artiste et envahit son monde au point de devenir protagoniste de ses œuvres, qu’il s’agisse de peinture ou de poésie. Sous un autre angle, nous supposons que le silence est indispensable à l’élévation spirituelle. Le silence permet à l’écrivaine de se concentrer, de méditer, d’abandonner les scories humaines qui alourdissent sa part spirituelle, sa capacité créatrice. Le silence, pour elle, c’est « Le silence de l’autiste, du sourd et de l’absent », c’est le langage avant le langage, c’est une méditation sur le monde qui plonge le lecteur et l'auteure dans un même mouvement d’union. Pour Loubaba Laalej, le silence et la parole ne font qu’un, le premier est le prolongement du second et vice versa.

Enfin, le silence peut être un choix conscient contribuant à la créativité poétique et artistique de l’écrivaine, car le silence n’est pas seulement lié à la souffrance et à l’isolement mais apparaît comme un choix conscient et heureux, une nécessité primordiale pour une âme d’artiste qui a besoin de son territoire pour survivre. En effet, le silence et l’effet de l’alphabet ont déjà une signification poétique et artistique chez l’écrivaine marocaine. Se taire au lieu de parler, c’est sauvegarder son individualité. Le silence ne s’oppose pas au langage, ils sont intimement liés. Parole et silence ne font qu’un dans le monde créatif de Loubaba Laalej. 


Dr. Ahmed Bachnou

Écrivain et professeur chercheur

Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès

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حصري جدا و خاص..

CET HOMME A MARQUÉ A JAMAIS LES MÉMOIRES DES MAROCAINS PATRIOTES

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